Papier de Maïna Fauliot pour le blog de l’Ecole de Journalisme de Sciences Po Paris

 

Comment pratiquer et vivre le dialogue interreligieux ? C’est autour de cette question que les C.I.E.U.X. et la Route de Jérusalem, deux associations œuvrant pour le rapprochement des cultes et des cultures, se sont réunis samedi 16 février rue de Vaugirard, à Paris.

Discussions entre les membres de C.I.E.U.X. et de la Route de Jérusalem

Denis Ménessier est un « ancien marcheur ». Rien à voir avec une compétition sportive, ce terme désigne ceux qui ont effectué la « Route de Jérusalem ». C’est le nom d’une association mais c’est surtout le nom d’une idée : relier, à pied, son lieu de résidence à Jérusalem pour découvrir tout au long du parcours les gens qui habitent les régions traversées et dialoguer avec eux.

« C’est un moyen de s’ouvrir à la vérité de l’autre en étant accueilli et logé chaque jour chez une nouvelle personne, de culture et de confession différentes », explique Denis. L’homme d’une soixantaine d’années, qui est né en Tunisie, a parcouru cette route entre 1974 et 1975, traversant notamment le Liban en pleine guerre civile.

Il est venu aujourd’hui avec plusieurs membres de son association pour une rencontre, sur le thème du dialogue interreligieux, qui se déroule au Forum 104, « espace culturel et interspirituel » du quinzième arrondissement, à Paris. L’occasion, tout d’abord, de raconter la création de la « Route de Jérusalem-Ecole de la paix ».

Des pas pour la paix : l‘histoire de la première Route vers Jérusalem

 

Le père de ce projet pacificateur est André Haim, un prêtre catholique d’origine juive, né à Istanbul. Parti d’une interrogation (Pourquoi les religions ne facilitent-elles pas la paix entre les fidèles ?), il s’est lancé en 1972 sur les chemins de ce bas monde afin d’ « ouvrir une route entre l’Europe et Jérusalem pour la réconciliation interreligieuse », explique Christine qui a rencontré le prêtre Haim lorsqu’il revenait tout juste de Jérusalem. Elle avait 15 ans à l’époque et cette rencontre lui a « permis d’ouvrir de nouvelles perspectives ». Depuis, elle n’a cessé d’aller à la « rencontre des autres et de leurs différences ». Une démarche qui l’a notamment conduite à rencontrer son mari, un chrétien d’Irak.

« Il faut que l’on apprenne à vivre ensemble, à créer des liens par tous les bouts et particulièrement par la religion », insiste Christine. Instaurer un dialogue et des liens entre des croyants de confessions diverses c’est justement ce qui motive Alexandre Vigne. Cet enseignant de lettres et d’histoire, qui est aussi un fervent catholique, affirme que sa foi personnelle le poussait « à aller à la rencontre de l’autre à l’intérieur, mais surtout à l’extérieur, de sa communauté ».

Créer des liens entre les communautés à travers le dialogue interreligieux

Denis a rencontré Alexandre au cours d’un débat interreligieux qui avait lieu dans une synagogue. Touché par l’engagement de ce professeur quarantenaire, l’ancien marcheur de Jérusalem l’a donc invité pour qu’il parle de son projet et de ses actions.

 

Un peu comme le prêtre Haim l’avait fait en 1972, Alexandre est lui aussi parti d’une interrogation « pourquoi les lieux de culte voisins les uns des autres ne dialoguent pas ? ». Pour y remédier, il a créé l’association C.I.E.U.X. en 2007. L’acronyme céleste masque un nom un peu plus barbare : Comité Interreligieux pour une Ethique Universelle et contre la Xénophobie. L’objectif ? « Mieux se connaître, vivre ensemble, apprendre à parler de ses convictions sans avoir à se cacher », explique Alexandre d’un ton posé et assuré.

De l’autre côté de la table garnie de chocolats et de gâteaux, une voix critique s’élève. « Le dialogue interreligieux c’est une bonne idée, mais moi qui essaie de participer au dialogue islamo-chrétien, je peux vous dire que c’est très difficile », s’exclame une femme aux cheveux courts grisonnants et aux yeux clairs. D’éducation catholique, Hélène est musulmane depuis de longues années et bien que possédant une double culture religieuse elle estime la tâche ardue : « Discuter d’Islam avec des jeunes qui ne sont pas musulmans, ça relève du parcours du combattant ».

Yassine Jabri est jeune. Et pourtant le dialogue interreligieux, il y croit. Agé de 20 ans, ce passionné de politique qui s’est présenté comme candidat indépendant aux élections législatives de 2012, effectue son service civique à C.I.E.U.X.. Pour lui c’est une façon « d’être au service de la société et des citoyens ». L’association qui agit de façon locale, permet d’instaurer un dialogue de quartier : « C’est une façon de rendre les gens actifs dans le débat et de donner des raisons aux habitants de se parler et de se saluer par la suite dans la rue. Ce qui permet aussi de désamorcer les tensions entre les communautés ».

Alexandre, le fondateur et président de C.I.E.U.X. insiste sur les vertus du dialogue. Assis à sa droite, Denis approuve les dires de son voisin en racontant sa rencontre avec des jeunes issus de la communauté pakistanaise de la Courneuve. Après avoir longuement débattu d’Islam et de christianisme avec eux, le groupe le remercia chaleureusement. Les garçons lui firent ensuite part de leur frustration de ne pas trouver de lieux pour dialoguer avec des « Français chrétiens ». Une absence d’échange qui mène à l’incompréhension et à la peur pour ces jeunes qui affirment être regardés « comme des terroristes dans la rue », relate Denis.

A Hélène de conclure : « Les communautés religieuses se comportent parfois comme des pays avec des frontières qui ne sont pas poreuses et qui deviennent un cocon protecteur ». Rendre leur porosité aux communautés, tel est le chemin de croix partagé par C.I.E.U.X. et la Route de Jérusalem. A l’issue de cette réunion, les portes du dialogue semblent s’être ouvertes. Les deux associations envisagent en effet de futures collaborations.

Voir article

[slideshow_deploy id=’549′]