Le dialogue interreligieux sous des C.I.E.U.X. favorables

 

 

 

Dans le dix-neuvième arrondissement de Paris, l’association C.I.E.U.X., créée en 2007, veut permettre à chacun « de vivre sa foi en union fraternelle avec les gens qui ont une religion différente ». Après trois ans d’existence, qu’en est-il de son influence ?

Des tensions, parfois violentes, mêlant religion et politique surgissent au cœur de la cité. Soutenue par la mairie, l’association parisienne C.I.E.U.X. organise des rencontres entre les représentants religieux, mais également entre les croyants et les athées.

 

Selon son président, Alexandre Vigne, il y a plusieurs dialogues interreligieux : « entre spécialistes, mystiques, œuvres caritatives ou voisins ». C.I.E.U.X. relève de la dernière catégorie.

Propos recueillis auprès des différentes communautés.

 

Daniel Elkouby, membre de la communauté juive de Ohaley Yaacov de la rue Murger : « On peut s’ouvrir aux autres sans se renier. »

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Interlocuteur de C.I.E.U.X., il déplore la situation à la mosquée de Drancy dont l’imam est accusé d’être l’ « ami d’Israël ». Car, selon lui, « les juifs ne souhaitent pas importer les problèmes du Moyen-Orient ». Il n’y a pas de paradoxes : « Nous sommes reconnaissants à la France et attachés spirituellement à Israël. » Lorsqu’on l’interroge sur la faible présence des juifs au sein de l’association, il explique que traditionnellement les problèmes intra-communautaires sont réglés par le rabbin. Et que par le passé, le judaïsme a été échaudé par « des tentatives de récupération ou de conversion ». Si ces « affrontements » ont « ouvert une cicatrice qui ne se ferme pas », il faut, pour lui, « changer les mentalités, dialoguer. Et sortir des sentiers battus car il n’est plus possible de vivre un judaïsme de ghetto ».

 

Bernard Quéruel, curé de l’église Saint-Jacques-Saint-Christophe de la Villette, place de Bitche : « L’estime réciproque vient quand on arrête de mettre des étiquettes. »

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Il considère que « C.I.E.U.X. est un bon outil pour mettre fin aux préjugés, se connaître et s’estimer ». Il a noué des liens avec l’islam grâce à l’épicerie solidaire de l’associationUne Chorba pour tous, que son église a accueillie un temps. Sa paroisse fait un suivi social qui aide « beaucoup de musulmans », ce qui est « un début de dialogue ». Même si les rapports sont moins évidents avec la communauté juive, il sait qu’un rapprochement est possible. Dans sa précédente paroisse (dans le neuvième arrondissement), juifs et catholiques se rencontraient pour prier ou faire des recherches en commun sur des sujets théologiques ; comme sur le pardon par exemple.

 

Marie-France Robert, pasteur de l’église luthérienne, rue Manin : « Quand on veut le vivre ensemble et le vivre en paix, on doit apprendre à se connaître et redécouvrir les valeurs de l’autre. Un peu comme dans un couple. »

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Elle apprécie l’action de C.I.E.U.X.. Mais elle a dû « faire des choix et donner la priorité à son ministère » et n’a de contacts qu’avec quelques juifs libéraux. Elle apprécie cet arrondissement à multiples facettes même s’« il y a eu de la violence et des périodes complexes, comme partout ». Elle se souvient, émue, de la visite de Larbi Kechat, recteur de la mosquée Adda’wa, qui salua son arrivée en 1991 en lui offrant une fleur. Depuis, elle regrette de manquer de temps pour l’échange interreligieux.

 

Larbi Kechat, recteur de la mosquée Adda’wa, rue de Tanger : « Nous devons être capable d’intégrer les particularités de chacun pour transformer l’espace public en espace humain. »

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La mosquée héberge depuis 1994, à son initiative, le Centre socioculturel de Paris (CSCP). Autonome, le site fonctionne avec le don des fidèles. À cause de travaux, les deux lieux se trouvent provisoirement porte de la Villette. L. Kechat organise des séminaires dont les thèmes dévoilent sa vision. Les intervenants et le public enrichissent le débat. Le dernier s’intitulait : « Femmes violentées, société déchiquetée. » Pour lui, « dialoguer ne veut pas dire être d’accord sur tout ; il s’agit de communication, d’accueil, et de respect de l’autre ».

 

Nicolas Cernokrak, prêtre orthodoxe de l’église Saint-Serge, rue de Crimée : « Il n’y a pas de sujets qui fâchent. Il faut juste faire attention à leur formulation. »

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Il se dit prêt au dialogue, pourquoi pas via la mairie. Car « la cité doit aussi permettre aux gens de se rencontrer ». La religion est, selon lui, « un tissu tissé dans un corps social ». À nous d’en démêler les fils…
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