Mireille Knoll, ma grand-mère que je pleure.

Pourquoi ? Mireille Knoll avait l’âge de ma grand-mère, lalla Fatima. Mireille Knoll n’est plus. Comme lalla Fatima. Elles ont traversé le seuil de l’au-delà mais pas par la même porte. Ma grand-mère est décédée paisiblement en 2016, entourée de ses enfants, de ses petits-enfants et de ses arrière-petits-enfants. Mireille Knoll a été assassinée, chez elle, le vendredi 23 mars 2018, le jour même de l’attentat de Trèbes où l’une des victimes, le colonel Arnaud Beltrame a été lui aussi égorgé, offrant sa vie pour sauver une autre. Le corps de Mireille Knoll, poignardé à de multiples reprises, a été retrouvé en partie carbonisé. Je vous laisse imaginer l’atrocité du crime. Mireille Knoll n’a pas connu Auschwitz. Âgée de six ans en 1939, Mireille Knoll a échappé aux Rafles de Juifs conduites par les nazis et par leurs collabos.

A ses 85 ans, le nouveau visage du nazisme, toléré par une République malmenée, s’est introduit jusqu’à chez elle, dans l’indifférence à peine gênée, comme lorsqu’il s’était introduit chez Sarah Halimi, assassinée chez elle aussi à l’age de 65 ans, presque l’âge de ma mère. Ce jour-là, le 4 avril 2017, la République était comme absente. Il ne fallait surtout pas déranger le storytelling médiatique qui manipulait les esprits pour faire accepter, au forceps, l’intronisation d’un nouveau monarque à défaut d’élire un vrai président. L’État et ses médias braquaient les projecteurs sur Pénélope Fillon et, en même temps, coupait le son des cris de secours provenant de l’appartement de Sarah Halimi. On a fait le choix de faire le bruit autour de prétendus emplois fictifs. On a fait le choix de faire silence autour d’un crime antisémite bien réel. La macronie « en marche » amplifiait les voix des canards déchaînés et censurait toute autre voix dissonante fusse-t-elle la voix d’une femme seule, affaiblie par l’âge, assassinée chez elle parce qu’elle était juive. Pourquoi ?

Je n’ai plus de mots pour dire ma profonde indignation, ma profonde tristesse. Je n’ai plus de mots non plus pour décrire la lâcheté d’une partie de la classe politique et de tous ces éditocrates, « journalistes » ou soi-disant « experts », à la solde du monarque. L’heure est grave. En France, le nouveau visage du nazisme s’octroie le droit de tuer Mireille et Sarah parce qu’elles étaient juives. D’égorger le Père Hamel, parce qu’il était chrétien. De poignarder au cou le colonel Beltrame, parce qu’il était dépositaire de l’autorité publique. De tirer sur des journalistes parce qu’ils célébraient la liberté d’expression. D’égorger dans la rue deux jeunes filles parce qu’elles étaient, peut-être, trop libres, trop joyeuses, aux yeux de l’islamisme. D’assassiner des spectateurs parce qu’ils aimaient la musique et les belles rencontres. De foncer sur des foules rassemblées un soir de fête nationale, pour semer la terreur partout, l’étape juste avant d’imposer la soumission comme seule option à un peuple qui se croit (encore) libre. Pendant ce temps-là, on peine à avoir une lisibilité et une visibilité de ce que fait (ou fera) la République. A-t-elle encore le temps pour sauver ce qui reste de son honneur ?

Mireille Knoll avait l’âge de ma grand-mère, lalla Fatima. Ma grand-mère n’a jamais souffert de haine parce qu’elle était musulmane. Elle a vécu heureuse au milieu des siens. Elle est décédée entourée de tous ceux qu’ils l’ont tant aimée. Très jeune, Mireille Knoll a vécu une enfance dans la peur, pas totalement à l’abri des nazis. En 2018, temoin pacifique de nos renoncements collectifs, elle est assassinée à Paris, parce qu’elle était juive. Que son âme repose en paix éternelle. Son souvenir, son regard, je ne l’oublierai jamais !